









Dans la grande salle d’un musée aux murs de bois, une exposition sur le passé des peuples de la Terre. Nous sommes au centre d’une forêt vert tendre, celui qui éclate aux jours d’été paisibles sans faire mal aux yeux. “La température est parfaite”, me dis-je, confortable, rareté marquée en mes jardins.
D’un élan, je me dirige vers l’ancienne maison aux pieds de longs bâtons de bois qui trône près de la porte de la salle, Gardienne silencieuse de la mémoire du temps.
Mon attention ne se colle pas à elle, mon regard est attiré au loin. Juste devant la fenêtre, au haut d’un court escalier, un homme costaud à la chevelure coiffée d’une tresse ferme fait un discours. Je ne comprends pas ses mots. “Est-ce de l’anglais ? Je devrais comprendre”, me disent les pensées, m’avertissant d’une incohérence. La sensation connue du rêve vécu plutôt qu’observé entre dans mes jambes. “Je suis là”, et bientôt je serai au cœur de l’action.
Il parle des eaux, qui se dissiperont bientôt dans le ciel, les corbeaux qui tournent près de la fenêtre approuvent de leur bec croassant, bien que je ne puisse les entendre. Mon œil se plisse vers eux, dans l’horizon, au cœur de la forêt.
Propulsée, j’y suis, dans un autre temps.
Je suis Marguerite, me dit-elle en me prenant une main avec les siennes doucement serrées. Elle a hâte, je le sens dans sa peau.
Elle me donne trois jupons à enfiler les uns sur les autres. Légers et flottant, ils caressent ma peau. Je mets les longues bottes noires que je trouve près de moi, légèrement réchauffées par le feu. “L’élément que j’apporte”, en l’honneur des ancêtres.
Tu connais bien les corbeaux. Cette flamme leur fait plaisir, ils chantent. Et Marguerite semble me connaître. Qui est-elle ?
Une grande fête se déroule dehors en l’honneur du retour des hommes au village, et des invités conviés sans le savoir. La flamme vole haut, elle est bien compacte. “Ils savent l’entretenir”, c’est vital.
Des femmes viennent s’asseoir près de moi, et mettent entre mes mains des morceaux de cuir à broder de perles. En les observant, je tente de reproduire les formes qu’elles alignent naturellement. Elles chantent avec joie, “et ce soir les hommes seront de retour avec les percussions.” Je ne comprends pas leurs mots, sauf ceux de Marguerite, qui traduit seulement l’essentiel.
Elle n’est pas exactement comme les autres. Elle est la plus pâle de toutes, il me semble que face à certaines lumières, je pourrais voir au travers d’elle. Ses vêtements rappellent l’uniforme. L’ensemble bleu uni est muni d’un tablier blanc, si propre qu’elle ne doit jamais l’utiliser. Elle rit fort avec les autres, chante en chœur avec elles, et tape légèrement des mains, se démarquant à nouveau par sa façon d’être. Les autres sont plus contenues, bien qu’elles rient constamment, heureuses de faire partie du temps qui coule légèrement sous le vent.
Après quelques images qui ont semblé se dérouler sur des heures, nous voyons les hommes au loin, bien coordonnés, à la démarche à la fois joyeuse et sérieuse.
“Ils ont l’air forts”, je le dis à voix haute, une rare intervention.
Leur visage parle, ils ont peu de mots à dire et ils savent se faire comprendre.
Les nouvelles ne sont pas bonnes, c’est ce que semble dire l’ancêtre près de moi par son regard triste. Elle sait ce qui arrivera, je le comprends de mieux en mieux.
“Ils ont brûlé le village d’à côté, ils viendront ici.” Les mots sont tombés comme une lame tranchante, et les yeux de l’homme se sont illuminés d’un éclat de peur vive.
Je sais que ce qu’il dit est vrai.
Son visage est maquillé de noir, sauf pour le menton qui est orné de lignes verticales blanches. Je remarque que d’autres portent un maquillage, mais pas tous.
D’un coup, la fête reprend. Je tournoie autour du feu, dans la chaleur des trois jupons qui tentent de se soulever sous mes pas. L’empressement de fuir viendra demain, pour l’instant l’air est rempli de joie.
Le rêve arrive à sa fin, les images se dispersent et se multiplient. Quelques mots s’insèrent à travers le carrousel.
“Nous dansons constamment sur les corps de nos Ancêtres.”
Marguerite.
*