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Les échos




    Mon monde est silence,
    je ne sais plus le peindre de mots

    en mon cœur, les oiseaux noirs et or
    me regardent, protecteurs, sans chant

    comme un jardin ancien, oublié
    j’ai fait de mon corps un territoire clôturé
    intouchable

    je l’ai parfois quitté,
    parée de ce qu’il me restait de plumage
    prenant envol, perchée sur le plus haut des arbres

    au centre du monde.

    Je me voyais, toute petite, espérer mon retour
    patientant à travers les saisons
    le froid tranchant, l’été passion

    peut-être que la beauté du labyrinthe
    finirait par me ramener à la maison.

    J’ai vu les sentiments s’évanouir
    l’amour revenir, timidement, ne sachant plus oser,

    les glaciers dans ma gorge fondre
    s’épandre sur mes terres, les garnir d’étangs

    j’ai vu les guerres cesser
    les armes tomber, devenir des rochers à mes pieds

    j’étais nue de rage, sans volonté

    dans mon jardin clôturé.

    Les mains tendues et les regards aimants
    ont disparu

    je n’ai jamais oublié
    comment les faire fuir.

    Il me fallait redescendre
    sauter dans le gouffre
    de la vie qui fourmille

    ce sont les Corbeaux qui m’ont suivie,
    ils ont amorti ma chute

    mes espaces avaient rétréci
    ma peau s’était figée, impassible,
    dépourvue de spasmes, de pleurs, de rires.

    Voici donc qui je suis?

    Oui, je ne sais plus
    me délier du silence

    mes danses sont devenues muettes
    mes pas se fondent dans le sol

    je regarde parfois le ciel, fixement
    la cible au centre du soleil
    jusqu’à ce qu’il se répète, argenté,
    comme un carrousel nouveau dans mes horizons

    j’aimerais qu’il me réchauffe l’intérieur
    de tout ce que j’ai autrefois rejeté

    de peur d’être envahie puis
    dénaturée.

    Si je parle, me répondras-tu?

    L’écho de ma propre voix
    se fraie parfois un chemin jusqu’à mes cheveux
    et fait pousser des pensées

    belles
    d’amour
    de vie

    de ce que j’aimerais faire naître
    participer à faire grandir

    de tout ce qui me glisse entre les doigts
    puisque je ne possède rien

    et que je quitterai ce monde
    telle que j’y suis née

    nue
    sans même pousser un cri.


    De l’âme guerrière sont sortis
    les derniers râles

    l’esprit s’apaise
    dans la faiblesse du corps
    qui ne peut plus se battre ni fuir
    qui ne peut qu’être

    avant la fin

    espérer être touchée

    avant l’explosion

    je prie
    pour la réunion

    *

    J’ai en mon cœur
    les secrets de mon amour

    des miettes de poésie

    que je ne peux qu’offrir
    dans mon silence

    par mon regard
    qui observe les miroirs
    qui nous séparent

    je porte la beauté
    de mon innocence

    hachurée par les griffes insensibles
    à la tendresse de mon âme

    je cache ces larmes
    diamants éclatants
    qui aveuglent celui qui ne me voit pas
    entièrement

    dans ma force, mon amour,
    mes chutes

    je me cache
    de ceux qui me veulent
    autrement.

    Celui qui ne sait accueillir mes larmes
    ne mérite pas mes rires.

    Je te vois,
    me dit le reflet du miroir d’argent
    il est froid au toucher
    incassable, sans la moindre faille

    je suis là
    me dis-je, solide en moi
    dans un monde qui tremble

    le bonheur est aujourd’hui
    ou jamais

    dans l’incertain et l’intangible

    j’appelle ma force

    j’attends

    puis

    je L’entends